Un handicapé

Au tout début, quand les médecins ont commencé à nous faire comprendre qu'il y avait un problème, bien avant même qu'il soit diagnostiqué, ils ont utilisés des pincettes.

 

Au tout début, ils parlaient de "retard".

 

"retard" : quel mot plein d'espoir, un retard ca se rattrape !

 

 

Sur les papiers officiels, certificats médicaux et consorts, on pouvait lire la même chose : retard de développement (assorti d'adjectifs plus ou moins gratifiants).

 

 

 

"Il a un retard".

 

Finalement, quelle hypocrisie...

 

 

Pourquoi ne pas dire tout de suite qu'il a un handicap.

 

C'est peut etre plus violent, mais c'est finalement plus juste. Il ne rattrapera jamais son retard.

 

 

Le savaient-ils déjà ? Est-ce juste une façon de parler "politiquement correct" ou une volonté délibérée de ne pas enfermer un enfant aussi jeune dans un carcan trop grand pour lui.

 

 

A bien y réfléchir, je crois que je n'ai jamais entendu un seul médecin ou intervenant parler de Guillaume en utilisant ce mot : handicapé...

 

J'ai droit à pleins de variante : enfant avec des difficultés, enfant différent, enfant présentant un retard de développement, enfant à problèmes, etc...

 

 

 

Pourtant rapidement - est-ce pour exorciser - j'ai employé ce mot "handicapé" pour parler de Guillaume... Car il n'y a pas à tortiller : il est handicapé, et je ne vois pas d'autre vocable de la langue française qui puisse aussi bien le désigner...

 

Oh ! rassurez-vous. Pour moi Guillaume est un charmant petit garçon, MON adorable petit garçon, avant d'être un Handicapé. Mais tout comme on dit sa soeur qu'elle est "rigolote" (signe distinctif premier de Malou, c'est toujours la première chose qu'on me dit d'elle "qu'elle est rigolote"), et bien Guillaume est handicapé. C'est son signe distinctif...

 

 

Et il n'y a aucune honte à dire ça.

 


Bien sûr il y a l'autobus qu'on se prend en pleine face le jour où le médecin vous prend seuls dans le bureau, vous dit de vous asseoir, sort sa tête des grands jours et tente avec les plus infimes précautions de vous faire comprendre que c'est fini, votre enfant ne sera jamais "comme les autres".

 

Mais finalement, puisque cette annonce est violente de toute façon, pourquoi ne pas dire les choses telles qu'elles sont. Est-ce honteux de désigner une personne comme étant handicapée ? Je reste persuadée que si c'est un mot si difficile à entendre et à utiliser pour les parents, ce n'est pas tant pour la réalité qu'il désigne (car après tout, on vit avec tous les jours, on sait bien ce que c'est) mais simplement car ce mot renvoie à un tel sentiment de frayeur... Finalement, le chemin de l'intégration du handicap comme un élément "normal" de la société est encore bien long...

 

 

Pourtant, certains professionnels maladroits (ou tout simplement cons*) pour ne pas utiliser ce mot, vous sortent de choses tellement plus monstrueuses, et qui effectivement renvoient à tout ce qu'il y a de plus terrible pour un parent : un légume...

 

C'est dit ouvertement, ou c'est sous-entendu, mais c'est tellement éloigné de ce qu'est la réalité d'un quotidien avec un enfant handicapé. Et c'est finalement, de la part de ses professionnels, bien mal connaitre la réalité qu'ils cotoient pourtant tous les jours. Un moyen de se protéger ? se protéger de quoi ???

 

Bien sur, vous me direz que  certains enfants sont tellement atteints... Et bien n'en déplaise, je crois tout de meme, qu'aussi immobile et silencieux puissent etre un enfant handicapé, il ne sera jamais l'équivalent d'un légume. Je ne crois pas que chez le plus conscencieux des maraîchers, un légume puisse apporter autant d'amour et de gratifications qu'un enfant.

 

 

Pourtant, est-ce vraiment bien d'utiliser ce mot dès le départ, n'est-ce pas privé un enfant de toutes ses chances... Il y a cette si jolie petite fille à lunettes. Les médecins ont annoncé un avenir bien noir à ses parents, se permettant les pronostics les plus terribles, les privant de tout espoir. Je ne sais pas s'ils sont allés jusqu'à la désigner comme handicapée.

 

Et pourquoi l'auraient-ils fait ? quand on voit tous ses progrés et la vitesse à laquelle ils sont accomplies, on peut sereinement espérer beaucoup de choses pour cette jolie poussinette. Ou cette adorable fillette aux cheveux bouclés, qui à mes yeux, fait preuve d'une intelligence stupéfiante ? Ou ce petit garçon, à l'allure de petit pantin de bois, dont je m'imagine lire chaque jour ou presque derrière les mots des parents qu'ils dépassent tout ce qu'ils avaient imaginé pour lui. Pourtant, ce sera toujours plus difficile pour eux que pour un autre, car ils auront toujours la main dans le chapeau.

 

 

Pour autant, ai-je raison de désigner mon garçon comme porteur d'un handicap ? Je pense que oui, car c'est plus simple pour moi... Je me rends bien compte que parfois ce mot peut résonner chez mon interlocuteur comme une armure que je brandirais.

 

Mais c'est plus facile. Guillaume est handicapé. Pas la peine d'expliquer plus. Pas la peine d'entrer dans les détails. Pas la peine d'en parler. Le débat est clos, passons à autre chose, vous voulez bien ? Oui, il est heureux  ! N'est-ce pas plus intéressant de parler de lui que de son handicap ?

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Commentaires: 5
  • #1

    Hélène (samedi, 28 novembre 2009 13:18)

    Moi aussi j'ai très vite qu'OScar était handicapé. Je me souviens bien... c'était quelque chose d'important pour moi, de le dire, avec ces mots là. Parce que "enfant différent", ça ne veut rien dire. Mais voilà... en France on en veut surtout pas étiqueter par les mots. ( je trouve qu'à une tout autre échelle, c'est exactement la même chose dans les écoles )
    Mais je pense aussi qu'il ne faut pas se leurrer.... beaucoup de parents d'enfants handicapés refusent d'utiliser ce mot

  • #2

    sylvia72 (samedi, 28 novembre 2009 23:43)

    "Handicap" n'est pas synonyme de stagnation, ou régression, heureusement... Moi j'ai du mal à dire "il est handicappé" je dis qu"il "a" un handicap. Au final c'est pareil, j'ai juste moins l'impression de définir raphael d'une manière unique. Il est handicapé ET il est malicieux et coquin et volontaire... Mais en disant handicapé, j'ai l'impression que les gens ne voient que cela ou ne retiennent que cela. Alors que de dire qu'il "a" un handicap est plus anodin. Le verbe avoir est moins fort que le verbe être dans ce cas, pour expliquer quelque chose. Enfin je le vis comme cela c'est tout. C'est le regard que me renvoient les gens à l'annonce de ce mot qui me fait peur. Cela fait remonter mes propres angoisses sur le futur de Raphael, les problèmes de santé qu'il pourrait rencontrer etc. Mais je pense que tu as raison de le dire, sans avoir à expliquer autre chose, et quand on voit le regard espiègle de ton petit boubou, je me demande bien qui pourrait ne voir que cela de lui...

  • #3

    lo (dimanche, 29 novembre 2009 23:40)

    ah mais non, le signe distinctif de Guillaume se sont ces yeux !!!!
    Et comme Sylvia j'utilise + facilement "elle a un handicap" ...C'est une de ses caractéristique mais pas sa définition ;o) .

  • #4

    Za (mardi, 01 décembre 2009 21:34)

    Voilà alors je suis assez d'accord avec tout ce qui a été dit mais j'ai bien réfléchis alors je viens mettre mon grain de sel.
    Je suis d'accord avec Hélène, en France, on a du mal avec les termes. Un peu pour tout d'ailleurs, mais surtout en handicap. La plupart des gens vont dire malvoyant pour aveugle, malentendant pour sourd etc... Mais es ce que ça fait plaisir d'être tout le temps défini comme "mal quelque chose"?
    Le fait que les professionnels n'utilisent pas le terme handicapé c'est surtout parce que pour les parents, ou du moins pour la plupart d'entre eux, le simple fait d'entendre ce mot s'est s'effondrer dans l'instant.
    C'est normal que les pros soient prudents dans leurs "annonces". d'ailleurs on leur reproche assez d'être maladroit dans l'autre sens n'es ce pas?
    Ça doit être très difficile de trouver les mots justes, et cela dans tous les sens du terme et quelque soit le côté vers lequel ils penchent, que se soit trop prudent ou trop secs!
    Peut-être qu'il vaut mieux laisser du temps aux parents pour s'approprier tout ça, pour que d'eux même ils puissent utiliser le mot handicap?

    Concernant le fait de définir son enfant par son handicap, je suis contre. Je trouve que "avoir un handicap", "est handicapé" oui. Le fait est qu'il ne s'agit pas ici de refuser le terme.
    Mais un enfant (ou une personne d'ailleurs) doit être un enfant avant d'être un handicap non?
    Par exemple on pourrait dire que Guillaume est super mignon, a de très beau yeux et a un handicap.
    Encore une fois, es ce que c'est nécessaire de le préciser tout de suite? non je ne crois pas. Je pense que ça peut venir dans une discution tout comme on parlerait de tel ou tel trait de caractère d'un autre enfant.

    Pour conclure je dirais qu'il ne faut pas nier, qu'il ne faut pas rejeter le terme de handicap ou handicapé. Mais il faut protéger l'enfant des gens qui pensent le handicap comme une fatalité et comme du tout négatif. Protéger l'enfant pour qu'il existe en tant que personne.
    Voilà j'espère avoir fait avancer (un peu) la réflexion ;)

  • #5

    Emmanuelle (jeudi, 03 décembre 2009 16:41)

    A y réfléchir, à l'hopital les médecins n'ont pas employé le mot handicap et pourtant cela aurait été sans doute moins violent que de nous dire que Romane ne parlerait jamais, ne marcherait surement pas, s'assirait difficilement et attraperait sans doute et qu'au fond il n'en savaients rien, en tout cas cela nous aurait pas plus traumatisé. En revanche, la psychologue de l'hopital nous a parlé du monde du handicap et l'assistante social (toujours de l'hopital) nous a parlé de l'allocation pour enfant handicapé puis on nous a parlé du CAMSP, donc on a trés vite situé le truc. Comme Lina, c'est un terme que j'emploie trés souvent plutôt que "différente" que je trouve hypocrite autant appeler un chat un chat et puis de toute manière quand on dit que Romane est différente, les gens ont le doute il nous demande de préciser, alors on dit qu'elle est handicapé : là tout le monde situe le contexte. En revanche, il ne faut pas se tromper, ce treme ne doit pas être reducteur et comme toi Lina c'est un adjectif, oui elle est handicapée mais elle est souriante trop mignone volontaire etc.. et c'est parce qu'elle est handicapée que nous sommes encore plus fière des efforts et progrés qu'elle fait. Je pense qu'il est "bon" d'employer ce terme comme ça il ne peut devenir que de moins en moins reducteur vis à vis des gens de l'opinion publique, il faut expliquer et repeter que ce n'est pas parce que l'on est handicapé que l'on ne sait rien faire, que c'est juste à adjectif comme un autre, mais l'on ne peut pas nier que cela existe.

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